Comment on continue d’utiliser du vieux en espérant que ça fasse du neuf…

Notre cerveau peut nous jouer des tours.... Vous vous en doutiez, mais vous ne savez pas de quelles façons ? Voici mon article sur les habitudes et ce qui peut nous empêcher d'en changer. Bonne lecture !

DÉVELOPPEMENT PERSONNEL

Sabine Le Mouillour

11/16/202310 min read

Cerveau avec ses parts consciente et inconscientes
Cerveau avec ses parts consciente et inconscientes

Au niveau cérébral, tout ce que j’apprends se traduit en la création de connexions neuronales. Plus je vais me servir de cet apprentissage, et plus je vais renforcer ces connexions. Autrement dit et de manière métaphorique, plus j’emprunte un chemin, et plus celui-ci sera confortable à emprunter, donc plus rapide pour y circuler d’un point à un autre. De sentier, il va se transformer petit à petit en chemin, puis en route, puis enfin, en voie rapide. Mes nombreux passages vont finir par damer le sol, le rendant plus accessible et plus facile d’utilisation.

Par conséquent, lorsque la situation et sa réponse seront utilisées un certain nombre de fois (ou même une fois peut suffire), cette combinaison va basculer dans l’inconscient. Cette « connaissance » pourra être alors réutilisée d’autant plus facilement que ce sera devenu un automatisme. C’est comme un réflexe qui aurait été programmé un jour lors d’une expérience passée, puis stocké dans l’inconscient pour pouvoir plus tard être ressorti, sans avoir à réexaminé de nouveau. Ça ne passe donc pas par nos capacités d’analyse, notre réflexion, ni notre conscience. Ce qui a pour conséquence que l’on ne peut l’identifier qu’a posteriori. C’est-à-dire une fois que nous avons réagi et effectué telle ou telle action en réponse à telle situation.

Cela peut donner le sentiment que nous n’avons pas eu le choix, que nous avons agi de telle façon parce qu’il n’était pas possible d’agir autrement à ce moment-là, ou qu’il fallait faire quelque chose et ne pas rester indifférent ou passif.

Souvenez-vous, quand vous appreniez à conduire, une nouvelle langue ou un instrument de musique. Au début, il faut répéter et s’entrainer avec beaucoup d’attention et de concentration, jusqu’à ce qu’avec la pratique, notre corps ayant appris suffisamment, il arrive à exécuter de manière « naturelle » cette activité. On agit alors comme en « mode pilote automatique », sans se poser de questions.

C’est pourquoi, si j’ai déjà vécu un certain type d’expérience, c’est-à-dire une expérience relativement marquante au plan des émotions ou que ce même genre expérience s’est déjà produit plusieurs fois, alors mon cerveau va me proposer a priori un mode de comportement ou de réaction stéréotypé sans que je puisse en avoir conscience.

Quand on pense à des comportements qui se répètent, on n’imagine pas toujours depuis combien de temps, depuis quand cette stratégie qui est devenue habituelle a bien pu débuter. Car, il est plus que probable que j’ai pu adopter dès l’enfance des stratégies de réponse à certaines situations. En effet, toute notre vie nous allons expérimenter différentes situations, mais le nombre de premières fois où nous allons vivre telle ou telle expérience n’est jamais aussi important que durant l’enfance. C’est bien connu « Tout se joue avant six ans ». Dans la mesure où durant ces premières années de vie, l’enfant va vivre mille et unes aventures qui lui permettront d’apprendre et de se développer. Chaque apprentissage sera stocké dans sa mémoire et intégré afin de pouvoir s’en servir de nouveau au besoin. Certains de ces apprentissages seront étiquetés avec une émotion en mode binaire : j’aime ou je n’aime pas. Le mode binaire est un mode exclusif. C’est oui ou c’est non. Il n’y a pas de nuance, c’est du tout ou rien. En effet, le cerveau dans les premières années de vie, pour constituer sa banque de données, a besoin de qualifier les situations pour enregistrer les actions correspondantes. En utilisant le mode binaire, cela permet de classer les informations de manière claire.

Imaginez un petit garçon de trois ans qui se promène dans la rue avec sa maman. Sa maman a peur des chiens. C’est la première fois que ce petit garçon croise un chien. Sa mère, à l’aide du langage verbal : « Ne touche pas au chien ! Les chiens, ça mord et ça fait mal ! »et du non verbal (la mère serre la main de son enfant plus fort et entraine son enfant pour s’écarter du chien), va lui faire comprendre qu’il doit tenir ses distances et se méfier des chiens. Dans la tête du petit garçon, un arbitrage va alors se produire pour décider si les phrases de sa mère sont OK ou non OK. Quel que soit le choix de cet enfant, soit considérer que les chiens sont dangereux, ou soit que les chiens sont gentils, ce choix va s’intégrer et basculer dans l’inconscient. Alors, la prochaine fois qu’il croisera un chien, c’est le comportement et les ressentis en lien avec sa croyance (la consigne donnée à son cerveau par son choix initial) qui se déclencheront automatiquement sans qu’il ait besoin de se poser la question : est-ce que les chiens sont gentils ou méchants ?

Sachez donc que si les enfants n’obéissent pas toujours, ce n’est pas forcément parce qu’ils n’ont pas compris, mais ça peut être parce qu’ils ne sont pas du même avis que vous !

J’en profite pour préciser que le cerveau des petits enfants jusqu’à au moins l’âge de 7 ans, n’est pas assez mature et ne sait pas prendre en compte la forme négative dans une phrase sous forme d’injonction ou exclamative. Le cerveau gomme le « Ne … pas ». Par exemple : « Ne cours pas dans les escaliers ! » est perçu et compris par le cerveau des petits comme « Cours dans les escaliers ». Si les adultes veulent se faire entendre et obéir, c’est à eux de formuler des consignes en mode positif ! Du style : « Dans les escaliers, on marche tranquillement. »

Je précise par ailleurs que lorsqu’un adulte est stressé, il a les mêmes capacités de compréhension qu’un petit enfant. Son cerveau n’est plus capable de comprendre des phrases en « Ne…. pas ».

Dans le meilleur des cas, on peut imaginer que ces stratégies élaborées dans l’enfance étaient adaptées pour moi à cette époque-là, compte tenu de mes capacités physiques et psychiques, notamment. Mais, on peut tout aussi bien envisager qu’une fois adulte, si j’utilise des stratégies de réactions ou de résolutions de situations qui ont été conçues à l’âge de 4 ans, il y a des chances pour que ces stratégies de mon enfance soient inadaptées. Et ce, notamment pour deux raisons principales.

La 1ère raison est que j’ai grandi, j’ai mûri, j’ai gagné en expérience et le nombre de stratégies qui sont à ma portée en tant qu’adulte est bien plus grand que celui des stratégies que je pouvais appliquer dans mon enfance. J’avais un cerveau moins mature et moins d’expérience, moins de capacités d’analyse en profondeur et de capacités à envisager des scénarios sur le long terme. J’étais également moins en mesure de prendre du recul ou avais moins de moyens pour me défendre verbalement ou physiquement.

La 2ème raison est reliée au fait que mon système psychique possède différents biais cognitifs.

Il a, d’une part, ayant tendance à généraliser et donc à considérer que deux situations se ressemblant même sommairement peuvent être étiquetées comme identiques. Il va alors me proposer la même recette pour une situation qui n’est en fait pas si ressemblante que ça. Donc, mon système va me proposer d’utiliser une stratégie qui pourrait s’avérer d’une efficacité très limitée. Car, même si elle a déjà pu servir, elle n’est plus forcément adaptée à la situation présente. En effet, ce n’est pas parce qu’elle a déjà été utilisée dans le passé, qu’elle a pour autant été véritablement efficace. Elle a certes permis la survie de l’individu (stratégie court terme), mais n’a peut-être pas permis de résolution totale ou sur du long terme de la problématique. On peut donc concevoir que tous les problèmes n’ont pas une solution, mais des solutions.

D’autre part, notre système psychique et cognitif se base sur des sélections d’informations. En effet, même si nous pensons ressentir tout ce qui nous entoure, en réalité, nous ne voyons pas, nous n’entendons pas toute la réalité. Nous percevons de préférence ce qui nous plaît, donc en laissant le reste dans l’ombre. Cette sélection est donc bien en lien avec notre affect, nos émotions. La distorsion sélective est un processus naturel. Notre vision du monde est influencée par notre personnalité (comment on voit le monde, à quoi on s’attend), nos sens, notre expérience (ce qu’on a déjà vécu, ce qu’on a appris). Comme nous avons beaucoup trop d’informations à gérer, alors nous sélectionnons uniquement ce qui nous paraît le plus conforme à nos convictions. Il s’agit de rétention sélective : nous retenons mieux ce que nous connaissons (ou avons l’impression) de connaître déjà. Les publicitaires le savent bien, notre mémoire est sélective, nous retiendrons plus facilement et plus longtemps un message fort en émotions, qui nous amuse, nous fait rêver ou nous valorise.

Afin d’éviter trop de hauts et de bas, nos différents systèmes recherchent de la cohérence en permanence. Ça nous rassure de rester dans notre propre logique, en conformité avec notre vision du monde, avec ce que nous connaissons déjà. Notre système psychique a besoin d’une certaine stabilité, d’une certaine permanence de l’environnement et des situations vécues. Cela lui permet de moins consommer d’énergie, d’être plus facilement à l’équilibre. Paradoxalement, ce besoin de cohérence va nous permettre de nous adapter. En utilisant ce que l’individu connaît déjà et par analogie ou transposition, il va être capable de donner un sens à ce qu’il vit afin de pouvoir s’y adapter. Il saura d’autant mieux le faire qu’il pourra utiliser des compétences ou savoir-faire qu’il connait déjà.

Mais, d’un autre côté, ce besoin de cohérence nous pousse, souvent à notre insu, à une forme de rationalisation. Nous allons trouver des justifications ou des explications, mais sans véritables fondements objectifs. Elles se fonderont sur notre personnalité, notre expérience, nos valeurs. C’est ce qui permettra de donner du sens à ce que nous vivons, un sens qui soit, somme toute, compréhensible pour soi ou acceptable.

Ce mécanisme fonctionne de manière complémentaire avec le troisième biais cognitif, le mode associatif. C’est à dire que nos apprentissages s’enrichissent au travers d’associations, en liant plusieurs informations les unes avec les autres, mais avec une dimension totalement subjective. Ceci conduira à des suppositions, voire à des interprétations, des jugements. Par exemple : « Il ne m’a pas dit bonjour ce matin, c’est qu’il doit être fâché ». Lorsqu’une situation ou un ensemble d’informations n’est pas suffisamment clair, complet ou cohérent pour nous, notre cerveau complète les informations. Bien-sûr, il les complètera selon ses propres valeurs et son expérience, donc de manière totalement subjective et partiale.

Vous êtes peut-être déjà tombé sur ce genre de phrases en surfant sur les réseaux sociaux :

Une étude de l'uniestivré de Cdbmiarge a mronté que l'on puet snas pmlboère lrie un txete dont les ltteers snot dans le ddésorre puor peu que la pmrrièee et la dineèrre lettre de cauhqe mot rnestet à la bnone pacle. Ceci mnrote que le creeavu ne lit pas toetus les lttrees mais prend le mot cmome un tout. La peruve : aouvez que vous n'aevz pas eu de mal à lire ce texte.

Ça fonctionne tout aussi bien avec des textes sans voyelles ou avec des lettres manquantes. Le cerveau a la capacité de compléter et de reconstituer une forme de logique dans les données qui lui sont fournies, afin de pouvoir donner du sens à ces informations. C’est la même chose qui se passe avec les images captées par les yeux qui sont le prolongement direct du cerveau. Les images captées sont de manière brute perçues à l’envers, comme une lentille de focale, et sont automatiquement basculées pour que nous puissions voir à l’endroit.

Cette capacité à combler les « vides » est en lien avec notre besoin de cohérence qui nous incite à agir en conformité avec ce que nous jugeons être notre rôle, notre identité. C’est également ce mécanisme qui nous encourage à rester dans notre zone de connaissance (et non pas de confort, car elle est loin d’être toujours confortable !) plutôt que d’aller vers le changement. Lorsque nous sommes dans un environnement connu, cela ne nous demande ni réflexion, ni grande dépense d’énergie et de moyens. C’est comme si nos gestes, nos actions se déroulaient tout seuls. Nous avons fait l’apprentissage d’une façon de se comporter ou de se servir d’un outil, notre corps agit en dehors de toute forme d’analyse ou de questionnement. Une autre partie de nous, plus inconsciente prend le relais. De manière très synthétique, on pourrait dire que notre cerveau est a priori frileux à la nouveauté, car il préfère le prévisible à l’imprévisible. Cela nous évite de remettre en cause tous nos agissements et comportements en permanence, laissant disponible de l’énergie pour vivre notre vie au quotidien.

Ce principe de cohésion et de cohérence est une des trois grandes règles auquel est soumis notre système psychique. En effet, notre système psychique avec sa façon particulière de fonctionner, et ce, quelle que soit la personnalité de l’individu, respecte trois règles qui encadrent et conditionnent notre mode d’analyse et de réaction.

Tout d’abord et de manière naturelle, notre système va, lorsqu’il doit faire un choix, privilégier en priorité le principe de plaisir et de bonheur et si c’est moins évident, la consigne consistera à minimiser ou repousser la souffrance. Ensuite, si un arbitrage est encore nécessaire, il privilégiera le choix du moindre mal, à savoir, le moins mauvais choix sur l’instant. Enfin, en dernière intention, il se réfèrera au principe de cohésion et de cohérence.

Vous l’aurez compris ces trois règles sont évidemment subjectives et varient en fonction de la personnalité de l’individu, de son rôle, de ses valeurs, ses croyances, …. Afin que sa décision ait du sens pour lui, qu’elle soit conforme à son identité, son ego.

Voilà quelques explications sur la façon dont nous établissons nos choix. J'espère que cela aura pu vous éclairer.